Thé : de belles perspectives depuis les hauteurs

Thé : de belles perspectives depuis les hauteurs

KARO-RW-45.05 février | 2020

Les acteurs privés et publics du secteur du thé rwandais unissent leurs forces pour autonomiser les agriculteurs - aidés en cela par le financement d'Oikocredit.

Par Helmut Pojunke de l'association de soutien Oikocredit ouest-allemande

Un séjour, même court, au Rwanda, laisse une impression aussi puissante que rafraîchissante. Kigali, la capitale du pays, accueille les voyageurs avec des rues propres, des marchés animés et des quartiers résidentiels léchés, même en banlieue.

Et pourtant le "pays des mille collines" ne se classait en 2017 qu'à la 158ème place dans l'indice de développement humain qui recense 189 pays. En outre, selon les chiffres de la Banque mondiale, le Rwanda se situe parmi les « pays les moins avancés » en termes de puissance économique, avec un produit intérieur brut par habitant de seulement 703US$ (2016). Voilà qui est en totale contradiction avec ma première impression.

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Quoi qu'il en soit : un optimisme contagieux a flotté sur les discussions que mes collègues d'Oikocredit International et d'Oikocredit Kenya ont eues avec des Rwandais début juillet. Nous avons visité, entre autres, Karongi Tea Factory et la coopérative Katecogro dans l'ouest du pays.

Les coopératives renforcent les producteurs

Bernadette Nyiraneza nous accueille chaleureusement dans son petit bureau de la coopérative Katecogro, qui fournit des feuilles de thé à Karongi Tea Factory, partenaire d'Oikocredit.  Directrice générale de la coopérative depuis sa création en 2010, Bernadette est à la tête d'une équipe de 18 collaborateurs.

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Organisés en coopérative, les agriculteurs sont en bien meilleure position de négociation face aux usines de thé. Le transport est aussi mutualisé. Neuf techniciens vérifient la qualité des feuilles de thé livrées à la coopérative, tandis qu'un expert agricole s'assure que toutes les exigences de formation sont respectées, prépare et surveille les plans de récolte et garantit de bonnes pratiques agricoles en matière de soins des plantes et de contrôle des mauvaises herbes. La coopérative est accréditée par Rainforest Alliance Certified.

Bernadette se montre fière du fort développement de la coopérative qui est passée d'environ 720 membres fondateurs à plus de 2.000 agriculteurs-membres aujourd'hui.

De plus, il y a une longue liste d'attente de membres potentiels qui veulent commencer à cultiver du thé. Le plus grand défi de la coopérative est donc de fournir à ses membres suffisamment de théiers qui sont non seulement nécessaires pour de nouvelles plantations mais aussi pour rajeunir les plantations existantes. Environ dix pour cent des théiers doivent être remplacés chaque année. Les quelque 300.000 plants produits par an par la coopérative dans le cadre d'un projet conjoint avec la Karongi Tea Factory suffisent à peine à entretenir les plantations existantes.

Un revenu régulier comme base du changement

Les conséquences positives de la culture du thé pour cette région reculée sont clairement visibles : ce n'est qu'après la création de la Karongi Tea Factory que la région a été connectée au réseau électrique et au réseau routier.

La culture du thé procure aux agriculteurs une source régulière de revenus, car le thé peut être récolté sur des périodes de 10 à 14 jours. Sur un hectare, un producteur de thé peut générer un revenu annuel de 500.000 francs rwandais (490€) déduction faite des coûts. Une famille peut vivre de la culture du thé, cultiver sa propre nourriture et permettre à ses enfants de poursuivre des études supérieures.

Bernadette Nyiraneza souligne l'importance de la régularité de ces gains. Comme les paiements sont effectués via un réseau, réglementé par l'État, de petites banques régionales (SACCO), les agriculteurs peuvent monter un bon dossier de crédit et entreprendre des projets plus importants, comme l'achat d'une moto, l'investissement dans des plantations de thé ou l'achat de terres.

Mais la solidarité coopérative a ses limites. Du fait du changement climatique, les périodes de sécheresse s'allongent et les précipitations s'intensifient. Récemment, 18 membres de la coopérative ont tout perdu lors d'un glissement de terrain et cette dernière n'est pas en mesure, à l’heure qu’il est, de les indemniser pour leurs pertes.

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La production locale de thé : une entreprise familiale

D'abord, les feuilles de thé sont séchées à l'usine de Karongi. Le lendemain, elles sont traitées selon le procédé « écraser, déchirer, boucler ». Pendant le processus, les feuilles sont coupées, fermentées, séchées et triées en fonction de leur qualité.

Environ 50 employés par équipe travaillent dans l'usine. Comme celle-ci est très spacieuse, l’objectif est d'en augmenter prochainement la capacité par l’installation d’une autre chaîne de production.

L'usine de thé de Karongi appartient à la famille Mutangana qui vit à Kigali. Deux des enfants du fondateur, Josiane et David Mutangana, sont désormais également impliqués dans la gestion de l'entreprise. Cela dit, le fondateur de 80 ans, Jean-Baptiste Mutangana veille toujours sur le travail de sa vie.

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Lorsqu'on lui a demandé quelles étaient ses motivations, il a répondu : "Pendant le génocide de 1994, beaucoup de mes proches ont été assassinés. Je voulais donner à la jachère une nouvelle signification, un nouveau but. Donc, l'appel du président Paul Kagame à contribuer au développement économique du sud et de l'ouest du pays est venu au bon moment. Le thé était quelque chose de nouveau pour moi".

C'est ce qui m'a le plus impressionné lors de ce voyage : l'engagement visible et contagieux des Rwandais à qui nous avons parlé, qui se reflète dans la manière dont ils formulent leurs objectifs, dont ils font avancer les choses et discutent des prochaines étapes afin de contribuer durablement au développement des zones rurales.

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