Rapport d'impact : regard et analyse de Kawien Ziedses des Plantes [interview]

Rapport d'impact : regard et analyse de Kawien Ziedses des Plantes [interview]

Kawien Ziedses des Plantes - for use with Impact Report 2020 interview (2).jpg10 octobre | 2020

Kawien Ziedses des Plantes, Spécialiste de la performance sociale mondiale d'Oikocredit, nous aide à mieux comprendre ce qu’il y a derrière le Rapport d'impact 2020. Oikocredit travaille depuis 45 ans dans le secteur de l’impact social, et continue de porter une attention très particulière aux clients finaux et de manifester une réelle volonté d’amélioration continue.

Pourquoi Oikocredit publie-t-elle chaque année un rapport d'impact ?

Nous publions ce rapport principalement pour montrer que nous avons un réel impact social et que nous changeons la vie des personnes à faible revenu que nous soutenons. Le rapport présente un état des lieux de ce qui s’est passé en termes d'impact, du nombre de personnes atteintes grâce à nos partenaires et des actions menées par Oikocredit.

C’est une question de redevabilité. Nous devons rendre des comptes : faisons-nous ce que nous disons ? Pouvons-nous le faire mieux ? C’est aussi une question de transparence : nous nous devons de montrer la réalité derrière les chiffres. Enfin nous voulons parler de nos bénéficiaires : qui sont ces personnes et comment bénéficient-elles de notre action ?

Comment Oikocredit produit-elle et mesure-t-elle son impact social ?

En tant que coopérative, la question à laquelle Oikocredit souhaite avant tout répondre est la suivante : quelle est notre mission ? En 1975, nos membres ont créé Oikocredit pour « soutenir le développement des régions pauvres du monde » par le biais du crédit. Depuis, la stratégie d’Oikocredit a évolué : elle vise maintenant à accroître les opportunités des personnes et des communautés à faible revenu dans les pays que nous ciblons. Oikocredit ne peut naturellement pas avoir des bureaux partout. C’est pourquoi nous soutenons des organisations partenaires soigneusement sélectionnées.

Nous travaillons avec des partenaires qui partagent nos valeurs et nos objectifs. Notre évaluation commence dès le processus de sélection et elle se fonde sur de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). À ce stade, nous étudions non seulement le public qu’ils touchent mais aussi leur façon de travailler, par exemple en fournissant des services supplémentaires à leurs emprunteurs. Il s'agit donc de sélectionner les bons partenaires et de les accompagner pour qu’ils produisent un impact social : c'est la raison pour laquelle le rapport se concentre sur leur travail.

Certains pourraient demander pourquoi vous ne mesurez pas tout simplement l'amélioration des revenus.

C'est en effet une bonne question et nous y avons réfléchi. La difficulté provient du fait qu’on devrait attribuer l’évolution du revenu des foyers à une seule intervention, et évaluer cela coûterait très cher. Nous nous appuyons donc sur l’évaluation initiale de chaque partenaire qui nous indique de quelle manière nous pouvons obtenir l'impact social que nous recherchons. Ceci signifie également surveiller l'environnement de l’étude, et ce dans le but de mieux documenter nos process.

Les paramètres du rapport se focalisent souvent sur les femmes, en mettant par exemple en évidence le pourcentage de clientes servies par nos partenaires. C'est un bon exemple de recherche d'impact social : il montre que, si vous donnez des moyens à une femme, elle aura tendance à répartir les revenus qu'elle perçoit sur l'ensemble du foyer, et l’impact social sera plus large. Les études montrent que cet « effet de levier social » n'est généralement pas atteint avec les hommes. C'est un des aspects, l'autre étant l'autonomisation des femmes.

Dans de nombreuses sociétés, les femmes n’ont pas le même statut social que les hommes et on constate que des organisations de microfinance se concentrent sur les prêts aux femmes dans le but de leur donner une voix et une opportunité. Ainsi, en ciblant les femmes, en particulier dans les régions rurales, nous choisissons et ciblons un indicateur d’amélioration des revenus et cette approche est confirmée par les résultats de la recherche.

Quelle est l'importance des objectifs de développement durable (ODD) dans le travail d'Oikocredit ?

Parce qu’ils sont portés par les Nations Unies, les ODD ont eu un énorme impact car ils ont permis de sensibiliser à peu près tous les gouvernements, fonds et entreprises du monde entier. Ils ont attiré l'attention sur l'impact d’investisseurs comme Oikocredit : il a été plus facile d'expliquer qui nous sommes et ce que nous faisons. Or, notre action depuis 1975 couvre presque tous les ODD.

Oikocredit travaille également avec d'autres organisations et normes de mesure d'impact telles que SPTF, GIIN et UN PRI. C’est un processus qui va dans les deux sens : non seulement ces organismes nous informent des dernières études d’impact social, dont j'ai parlé plus haut, mais Oikocredit, en tant qu’actrice de terrain, peut nourrir la recherche.

De plus, en travaillant avec certains organismes-cadres, nous pouvons créer un langage commun avec de nombreux investisseurs à impact social et contribuer à établir des cadres standards avec lesquels nos partenaires pourront travailler. Cela permet de réduire les remontées de données que les investisseurs d'impact demandent aux organisations dans lesquelles ils investissent.

En quoi le renforcement des capacités est important pour obtenir un impact social ?

Il est très important et nous sommes extrêmement heureux de travailler avec plusieurs institutions bien connues telles que Brot für die Welt, la BID et d'autres citées dans le rapport d'impact. Sans elles, nos grands projets de renforcement des capacités n’existeraient pas. Le fait de créer des opportunités pour les petites exploitations agricoles et les ménages à faible revenu afin de les aider à faire face aux difficultés de la vie dans un monde complexe et souvent imprévisible, demande des efforts à tous les niveaux.

Par exemple, les partenaires qui sont très efficaces en termes de gestion d'entreprise peuvent avoir besoin d'aide pour intégrer dans leurs opérations la gestion de la performance sociale dans le but d’atteindre plus de petites exploitations agricoles. D'un autre côté, certaines organisations sauront comment obtenir un impact social mais seront vulnérables sur d'autres aspects organisationnels. Ainsi, un partenaire peut avoir démarré avec succès en tant qu'entreprise familiale et devoir maintenant travailler sur sa gouvernance.

Dans ces deux cas, ce que nous voulons, c'est que les chaînes de valeur pour l’exploitation agricole ou les emprunteurs finaux soient solides et offrent des opportunités.

Comment Oikocredit soutient-elle ses partenaires dans le renforcement de leurs capacités ?

En identifiant les forces et les faiblesses d'un partenaire, nos collègues peuvent le soutenir non seulement avec le bon type de financement, mais aussi avec d'autres formes de soutien si besoin, y compris le renforcement des capacités. Cela est particulièrement important en période de Covid-19.

Oikocredit accompagne ses partenaires par le biais de formations spécifiques et d’outils de planification financière, comme la mise en place d'un plan de continuité opérationnelle et la gestion de la trésorerie en temps de crise. Ensuite, grâce à des échanges entre pairs, nous aidons les partenaires à surmonter le choc initial de la pandémie. Les partenaires qui se débrouillent bien pendant la pandémie partagent leur expérience avec ceux qui n'ont peut-être jamais dû faire face à une crise auparavant. De cette manière, nous encourageons la solidarité entre les partenaires face à toutes sortes de défis.

Notre rapport d'impact s’emploie à rendre compte des projets de renforcement des capacités qui ont été directement mis en place en 2019 avec les institutions dédiées et les bailleurs de fonds. Grâce à des relations à long terme et à un engagement réel vis-à-vis de nos partenaires, nous sommes en mesure d’apporter un soutien précieux.

Certaines des innovations mises en place pendant la pandémie vont-elles se poursuivre ?

Absolument. Par exemple, nous avons réuni des partenaires dans le cadre de webinaires de soutien et je pense que cela va continuer. Par ailleurs, la formation par webinaires n'est pas une nouveauté. Mais la pandémie nous a montré tout ce que nous pouvons accomplir grâce à des réunions en ligne  : elles nous permettent d'avoir des contacts plus fréquents avec nos partenaires ainsi qu’avec nos pairs, acteurs de l’impact social.

Le rapport d'impact met-il en évidence des domaines dans lesquels Oikocredit peut s'améliorer ?

Bien sûr, nous devons toujours nous efforcer de faire mieux. La pandémie nous a montré que nous pouvions améliorer, et avons amélioré, notre façon de travailler avec les autres acteurs du secteur. Par exemple, nous collaborons encore plus étroitement qu'avant avec des organisations partageant la même philosophie.

De quelles réalisations Oikocredit et les personnes qui la soutiennent peuvent-elles être les plus fières ?

Je pense que nous pouvons être fières de la manière efficace avec laquelle nous nous concentrons sur les bénéfices pour les clientes et clients finaux, et notre volonté de trouver comment nous améliorer. De plus, nous avons réagi très rapidement face à la pandémie : nous avons vite compris ce dont nos partenaires avaient besoin et avons pu leur apporter notre aide pour gérer les défis auxquels ils étaient confrontés.

De la même façon, nous avons vu nos partenaires répondre rapidement aux besoins de leurs clientes et clients finaux. Par exemple, en procurant des conseils aux micro-entrepreneurs pour les aider à trouver d'autres opportunités lorsque la pandémie perturbait leur secteur.

Les membres et les investisseurs d'Oikocredit apprécient d’entendre directement nos partenaires confirmer l'orientation vers le client ou la cliente finale et l'amélioration continue inscrites dans notre mission. Oikocredit est fière d’y parvenir à la fois dans le Rapport d'impact 2020 et à travers les informations que nous partageons régulièrement.

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